En
regardant le texte sur le mur, un enfant m’a interpellé
« tout va disparaitre demain … vous aurez alors perdu
beaucoup de temps …». J’ai répondu : «
on ne perd jamais du temps en exerçant une activité
pareille. Pendant que j’ai écris le temps est resté
à coté de moi, tel un compagnon… »
—
De la craie blanche sur un mur pâle? Le texte
est difficile à lire et pas facile à photographier.
Pour le visualiser, il fallait s’arrêter pendant un moment,
ou deux… trouver la solitude dont parle l’œuvre,
il faut se mettre ‘en pause’. Ce que vous découvriez,
c’est une rue qui offre du calme et de la réflexion au
centre d’un monde qui exige le mouvement permanent et qui ne
demande que de la réaction de votre part.
Montaigne a écrit : «ce qu’il
vous faut rechercher, ce n’est plus de savoir comment le monde
parle de vous, mais comment vous parlez vous à vous-même.
Retirez-vous en vous-même, mais préparez-vous d’abord
à vous y accueillir». De la Solitude était
un effort de créer un tel accueil, de montrer qu’il est
possible de ‘se retirer en soi-même’. De la
Solitude n’est pas une destination mais une porte. Mon
approche reste clairement contraire à toutes les formes de
création monumentales.
Avec l’élément de l’éphémère
comme référence, je mets la valeur du monument en question.
La culture n’est pas un monument. Je ne crée
pas des images devant lesquelles vous pouvez passer et prendre des
photos pour ensuite les disperser à vos centaines d’amis
virtuels.
De la même façon qu’il n’y
a pas une pilule pour apprendre un langage de manière immédiate,
la culture instantanée n’existe pas.
La culture n’est pas un monument—
vous devez la revisiter, la retoucher, la retracer, la régénérer.
C’est la générosité de l’artiste
exprimée dans son œuvre qui rend possible cette rencontre.
Pour être bien reçu, il faut que vous offriez de la patience
et une ouverture d’esprit.
Un texte difficile à lire n’est pas
forcément illisible : il faut pouvoir 'le chercher'…
son message, son trésor, ne demeure pas dans l’immédiat.
L’approfondissement est la seule demande d’une œuvre
qui rêve d’être plus qu’une publicité,
plus qu’une phrase, une marque.
Dans ce monde où nous sommes sollicités
par des ouvrages qui ne demandent que de l’adoration, ou d’être
«liked » une telle exigence (et celle dont parle Montaigne
dans son essai De la Solitude et qui est la base de mon travail),
s’avère oppressive et fanée.
Si le monde n’a pas le temps pour le temps,
est-ce que le temps a le temps pour nous ?
After
reading some text on the wall, a child turned to her mother, and then
to me, and said, “everything is going to be erased tomorrow…
you have lost a lot of time writing all this”. I answered, “you
never lose time doing something like this… all the while I was
writing time was beside me, as a companion”.
—
White chalk on a pale wall ? It is difficult to
read and not easy to photograph. To see it you must stop, for a moment,
or two… to find the solitude of which the text speaks you must
pause. What you will discover is a narrow street which offers calm
and reflection in the heart of a world which demands incessant movement
while accepting nothing more from you than reaction.
Montaigne wrote, “You are no more to concern
yourself how the world talks of you, but how you are to talk to yourself.
Retire yourself into yourself, but first prepare yourself there to
receive yourself”. De la Solitude was an attempt to
create such a welcome, to manifest the possibility that we can retire
into ourselves. De la Solitude is not a destination, it is
a door. My approach is clearly contrary to all forms of monumental
creation. My insistence on the ephemeral, on the fugitive, necessarily
questions the value of any monument.
Culture is not a monument. I do not create images
before which you can pass, take a photograph, and then share your
photo instantaneously with your five hundred virtual friends. Just
as there is no pill we can take in order to learn a language, there
is no such thing as instant culture.
Culture is not a monument— you
must revisit, retouch, retrace, and reconstruct it… and most
importantly, culture must be reawakened. It is the particular generosity
of the artist, as expressed in his work, which enables this encounter.
In order to be well-received you must offer patience and a receptive
spirit.
A text that is difficult to read is not illegible:
you must search for its message, its treasure. A sincere engagement
is the only demand of a work that aspires to be more than an advertisement,
more than a slogan, or a logo. In this world where we are solicited
by objects and images that demand, if not adoration, at least to be
liked, such an imposition— the requirement to resist
volontary servitude and instead enter, alone, into an ecounter with
time, time that is standing still, as though it is waiting for you—
such an appeal (which infuses Montaigne’s essay De la Solitude
and which is the basis of my work) must seem to many to be oppressive
and outworn. A moment is too much to ask.
And so, I ask you this: if the world has no time
for time, does time have time for us?
MS